
Comment l'arbre du tawhîd est relié à la terre
67 - Puis Dieu me dit : « Les délices résident dans les nourritures, les nourritures sont dans les fruits, les fruits dans les branches, les branches se ramifient à partir du tronc de l'arbre, et le tronc (ou fondement) est unique. Sans la terre il ne pourrait y avoir de tronc, sans le tronc il n'y aurait pas de branches, sans les branches pas de fruits, sans les fruits pas de nourriture, sans la nourriture pas de délectation possible. Et tout cela est relié à la terre. Or, la terre a besoin d'eau, l'eau a besoin du nuage apportant la pluie, le nuage a besoin du vent, le vent est soumis à l'ordre divin, et cet ordre divin émane de
Ibn'Arabî, Le Livre des Contemplations divines (Seville, 1194)
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L'axe métaphysique définissant la relation entre les deux "pôles" de l'Etre, le pôle divin et le pôle créaturel, est figuré par le symbolisme de l'arbre. De même qu'on ne peut connaître l'arbre qu'à ses fruits, c'est par la dérivation que l'on connaît le fondement, car l'arbre du tawhîd n'est pas un tronc nu. Il a ses ramifications multiples, dont chacune manifeste un aspect particulier, singulier de la participation à la chaîne de l'Etre. Et, comme le dit l'auteur, "tout cela est relié à la terre", c'est-à-dire au cœur même du serviteur qui se reconnaît soi-même comme investi par la présence de son Seigneur. Alors, la polarité de la conscience oscillant entre le rabb (seigneur personnel) et le 'abd (serviteur) se stabilise dans une parfaite réciprocité gnostique entre le fondement divin et la dérivation humaine. Car chacun des deux connaît l'autre en vertu de la connaissance de cet autre qui est investi en lui-même au point de devenir lui-même. A ce degré supérieur fulgure la "réalisation de la certitude" (haqq al-yaqîn) qui abolit la distinction illusoire entre je et Lui. C'est le tawhîd de l'ipséité par lequel Dieu s'affirme lui-même comme le vrai "témoin de contemplation" (shâhid) dans le cœur du croyant véridique qui est son miroir épiphanique. On peut alors décliner la formule selon cette variante : "Celui qui se connaît soi-même est connu de son Seigneur."
Stéphane Ruspoli, introduction au Livre des Contemplations divines (extrait)
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