Je ne pense pas qu'il puisse y avoir une seule lecture de ces mots, ami Gilbert, la poésie n'étant pas tout à fait une science. En ce qui me concerne, la compréhension ne m'est plus fondamentale ou essentielle pour accèder à l'émotion provoquée par la neige, par sa seule présence, par sa seule existence. On peut très bien chercher à expliquer les raisons qui font la neige ou sa blancheur, la science sachant très bien faire ceci, mais elle se limitera toujours au "comment", jamais au "pourquoi" (Wittgenstein); et donc ce sentiment de joie ou d'étonnement qu'elle peut me provoquer restera pour moi tout à fait inexplicable, enraciné dans ma propre subjectivité en tant qu'illusion du monde. Il ne s'agit donc pas tant de comprendre cette blancheur mais plutôt de la vivre, de l'être.
Baudrillard : "L'absence des choses à elles-mêmes, le fait qu'elles n'aient pas lieu tout en en prenant l'air, le fait que tout se retire derrière sa propre apparence et n'est donc jamais identique à lui-même, c'est là l'illusion matérielle du monde. Et celle-ci reste au fond la grande énigme, celle qui nous plonge dans l'effroi et dont nous nous protégeons par l'illusion formelle de la vérité.
Sous peine d'effroi, nous devons déchiffrer le monde, et donc en anéantir l'illusion première. Nous ne supportons ni le vide, ni le secret, ni l'apparence pure. Et pourquoi devrions-nous le déchiffrer, au lieu d'en laisser rayonner l'illusion comme telle, dans tout son éclat ? Eh bien, cela aussi est une énigme, cela fait partie de l'énigme, que nous ne puissions en supporter le caractère énigmatique. Cela fait partie du monde, que nous ne puissions en supporter l'illusion ni l'apparence pure. Nous n'en supporterions pas mieux, si elle devait exister, la vérité radicale et la transparence.
[...] L'identification du monde est inutile. Même notre visage, nous ne pouvons l'identifier, puisque la symétrie en est altérée par le miroir. Le voir tel qu'il est serait de la folie, puisque nous n'aurions plus de secret pour nous-mêmes, et serions donc anéantis par transparence. L'homme n'aurait-il pas évolué vers une forme telle que son visage lui demeure invisible et qu'il devienne définitivement non identifiable, non seulement dans le secret de son visage, mais dans n'importe lequel de ses désirs ? Mais il en est ainsi de tout objet, qui ne nous parvient que définitivement altéré, y compris sur l'écran de la science, y compris dans le miroir de l'information, y compris sur l'écran de notre cerveau. Toutes choses s'offrent ainsi sans espoir d'être autre chose que l'illusion d'elles-mêmes. Et c'est bien ainsi."
Oui, c'est en ce sens que cette forme de suspension de l'exercice de la pensée, peut nous permettre d'accéder, non pas, en effet, à une compréhension de la blancheur de la neige, mais à ce qui, en nous, nous permet de prolonger l'émerveillement étonné qu'elle suscite...merci Fayçal.
Qu'il est doux de ne pas comprendre.
RépondreSupprimer- Salutations d'un inconnu.
Est-ce à dire que, peut-être, en n'y pensant pas, aurions-nous plus de chance d'accèder à cette compréhension de la blancheur de la neige ?
RépondreSupprimerJe ne pense pas qu'il puisse y avoir une seule lecture de ces mots, ami Gilbert, la poésie n'étant pas tout à fait une science. En ce qui me concerne, la compréhension ne m'est plus fondamentale ou essentielle pour accèder à l'émotion provoquée par la neige, par sa seule présence, par sa seule existence. On peut très bien chercher à expliquer les raisons qui font la neige ou sa blancheur, la science sachant très bien faire ceci, mais elle se limitera toujours au "comment", jamais au "pourquoi" (Wittgenstein); et donc ce sentiment de joie ou d'étonnement qu'elle peut me provoquer restera pour moi tout à fait inexplicable, enraciné dans ma propre subjectivité en tant qu'illusion du monde. Il ne s'agit donc pas tant de comprendre cette blancheur mais plutôt de la vivre, de l'être.
RépondreSupprimerBaudrillard : "L'absence des choses à elles-mêmes, le fait qu'elles n'aient pas lieu tout en en prenant l'air, le fait que tout se retire derrière sa propre apparence et n'est donc jamais identique à lui-même, c'est là l'illusion matérielle du monde. Et celle-ci reste au fond la grande énigme, celle qui nous plonge dans l'effroi et dont nous nous protégeons par l'illusion formelle de la vérité.
Sous peine d'effroi, nous devons déchiffrer le monde, et donc en anéantir l'illusion première. Nous ne supportons ni le vide, ni le secret, ni l'apparence pure. Et pourquoi devrions-nous le déchiffrer, au lieu d'en laisser rayonner l'illusion comme telle, dans tout son éclat ? Eh bien, cela aussi est une énigme, cela fait partie de l'énigme, que nous ne puissions en supporter le caractère énigmatique. Cela fait partie du monde, que nous ne puissions en supporter l'illusion ni l'apparence pure. Nous n'en supporterions pas mieux, si elle devait exister, la vérité radicale et la transparence.
[...] L'identification du monde est inutile. Même notre visage, nous ne pouvons l'identifier, puisque la symétrie en est altérée par le miroir. Le voir tel qu'il est serait de la folie, puisque nous n'aurions plus de secret pour nous-mêmes, et serions donc anéantis par transparence. L'homme n'aurait-il pas évolué vers une forme telle que son visage lui demeure invisible et qu'il devienne définitivement non identifiable, non seulement dans le secret de son visage, mais dans n'importe lequel de ses désirs ? Mais il en est ainsi de tout objet, qui ne nous parvient que définitivement altéré, y compris sur l'écran de la science, y compris dans le miroir de l'information, y compris sur l'écran de notre cerveau. Toutes choses s'offrent ainsi sans espoir d'être autre chose que l'illusion d'elles-mêmes. Et c'est bien ainsi."
Oui, c'est en ce sens que cette forme de suspension de l'exercice de la pensée, peut nous permettre d'accéder, non pas, en effet, à une compréhension de la blancheur de la neige, mais à ce qui, en nous, nous permet de prolonger l'émerveillement étonné qu'elle suscite...merci Fayçal.
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