
Comment pourrait alors surgir le neuf, qui serait donc aussi le pur ? Des régions les plus lointaines de l’esprit peuvent arriver des mots et des formes, des images et des gestes, voilés comme dans un rêve et comme dans un rêve dévoilés ; quand ils se rencontrent en pleine course, et que naît l’étincelle du merveilleux, parce qu’alors l’Étranger se marie au Plus-étranger, je fixe la clarté nouvelle dans les yeux. Elle me regarde d’un air étrange, car bien que ce soit moi qui l’aie évoquée, elle n’en vit pas moins au-delà des représentations de ma pensée éveillée, sa lumière n’est pas la lumière du jour, et elle est habitée de formes que je reconnais non par le souvenir mais en les voyant pour la première fois. Son poids aussi pèse autrement, sa couleur s’adresse à une nouvelle paire d’yeux dont mes paupières fermées se sont fait cadeau l’une à l’autre, mon sens de l’ouïe est passé dans celui du toucher, où il apprend à voir ; mon cœur découvre, à présent qu’il habite mon front, les lois d’un mouvement nouveau, ininterrompu et libre. Je me laisse conduire par mes sens en marche, j’entre avec eux dans le nouveau monde de l’esprit et je vis ma liberté. Ici…
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Paul Celan, Edgar Jené et le rêve du rêve
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