C’est la vanité des transitions pour celui dont l’identité est presque excédentaire de tant de lieux de pure latence ;
il y a comme une irréalité dans cette multiplication des repères, comme un paysage de plus en plus désordonné par rapport à l’éveil, un ciel comme atteint d’excentricité dans ses molécules disparates, il y a comme un horizon fragmenté,
il n’y a même plus de voyageur pour se postuler à travers des régions autrement douées de vertus de sisciparité, fécondées à l’infini, que le jour et la nuit en sont méconnaissables ; il s’instaure comme un désir de proclamer l’avènement des dissemblances, de réinventer pour la consolidation des signes comme une heure d’apocalypse imminente et un attachement à ressusciter des nostalgies transfigurées pour une nouvelle chaîne des appartenances, avec l’introduction de la leçon d’ectoplasme pour l’ombre métallique qu’il étalera par-dessus la lisibilité du désespoir et pour la preuve qui, sur l’appel impérieux du désert, fonde les brûlures.
Il n’y a de pèlerinage que rétrospectif d’une démarche où se sont associées des géographies cognitives et l’instance de l’ombre qui servira d’emblée à les démentir ;
comme un lieu perceptible dans ses variations, un lien qui est mot crépusculaire dessaisi de ses racines, aux voyages rendus hybrides et d’autant plus intraitable qu’il dissipe progressivement le spectre de la réalité qui en consolide le patrimoine – œil putride du soleil fixé définitivement sur des mers usurpées, témoin de la fossilisation de toutes ces étendus placentaires dont l’ingérence a trempé l’âme de ma langue dans le rire et le blasphème.
Il n’y a que des haltes, des perspectives isolées dans la récurrence d’une même approximation du dehors, il n’y a qu’un espace égal où la géométrie du jour déplace la même fascination de l’aride dans une mémoire des choses qui n’est plus.
Tout est songerie, image, métamorphose, convulsion de nuages, processus de déréliction à ne pouvoir offrir que son mutisme en pature aux terrains vagues ;
toute cette réitération de moment à la limite du vécu, de haltes comparatives, de rêves contradictoires,
tout est dérivation d’un même et unique propos placé comme s’il était chaque matin le fait d’une nouvelle articulation des fièvres et non plus le lieu privilégié où puissent s’évacuer la lune, les étoiles, s’ouvrir d’autres soleils comme de hautes et immenses pivoines ;
tout est accaparé de contrées diffuses, sans plus de place pour les généalogies perdues, les latitudes fondamentales, ni le pays dans sa projection d’arbre ennuagé en mesure d’entretenir la confidence jusqu'à sa dérive loin très loin jusque dans la sieste de bidonville.
Tout est négation, prise en charge d’une traversée devenue elle-même hypothétique, hasard contingent, expulsion mémorielle, sacrement d’amnésie, par un système d’épandage de fleurs naïves, de fleurs en cinabre et indigo peinturlurant le bois de fautes et antiques horloges comme autant de machines à ponction de delirium, et qui maintiennent jusqu'à l’aube l’activité d’un récit où se profilent incidemment oliviers sauvages et sous-bois constellés de cistes ;
tout est négation, simulacre, désert sous-jacent, exégèse du souvenir n’ayant d’autre finalité que le souvenir en soi, qui englobe l’Iram-aux-colonnes et les sanctuaires abritant des corps imputrescibles, celui exhibé pour la compréhension des êtres et des choses, celui culminant dès l’irruption de montagnes psycho-cosmiques en vue de la déréalité des parcours, des saisons, et pour agir de l’infiniment petit à l’infiniment grand en effaçant tout trace de devenir ;
tout est circonscrit à l’étroitesse du soupir, à un rituel méthodique qui reprend uniformément fantasmes, classifications folkloriques, métaphores comme sacralisation du débris, poupées attifées de grelots, la durée embaumée, sublimale, aux vertus talismaniques, en un même et unique cycle des larmes et de l’abandon ;
tout est hantise de milles séances consacrées à ces ultimes chroniques relatant des périples catalogues comme répertoire d’illusion et d’agonie, et dont l’écoute est infinie, qui est comme une rumeur des siècles venant d’échouer près de ma mémoire en une succession de topographies qui voyagent, irradiantes de soleils perdus, d’étoiles chancelantes, avec un ciel paraissant être le prolongement d’un songe qui ne veut pas finir et étalé sur des étendues insoutenables puis porté toujours plus loin par des dorsales en dérive ;
c’est tout le contraire qui se mettrait à chavirer pour perdre instantanément de sa consistance, de sa rassurante proximité ; on est soi-même en situation de complète distorsion par rapport à son propre acquis existentiel ; il n’y a ni début ni fin ni parcours comme si l’origine de toute chose s’enveloppait d’une espèce de nuit mercurielle exsudée de confins maritimes




durée à tout moment renouvelée
de son réseau de séquences en rupture
pléthore de dunes à la périphérie du silence
qui ne peut s’inscrire
que frontalière de régions saisies en images identiques
dans un dire impossible
qui tire ses ressources
de sa propre matière de déplacement
du même lieux toujours extrême
avoisinant celui des racines

qui est ce nulle part dont le désert
à mes côtés est l’incidence éclatée
comme un moi allégorique
qui n’en finit pas d’être multiple

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Mostafa Nissabouri, Approche du désertique
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