L'état de l'âme, dans un instant indivisible, fut représenté par une foule de termes, que la précision du langage exigea, et qui distribuèrent une impression totale en parties ; parce que ces thèmes se prononçaient, on fut porté à croire que les affections de l'âme qu'ils représentaient avaient la même succession. Mais il n'en est rien. Autre chose est l'état de l'âme ; autre chose le compte que nous en rendons soit à nous-mêmes, soit aux autres ; autre chose la sensation totale et instantanée de cet état ; autre chose et l'attention successive et détaillée que nous sommes forcés d'y donner pour l'analyser, la manifester, et nous faire entendre. Notre âme est un tableau mouvant d'après lequel nous peignons sans cesse : nous employons bien du temps à la rendre avec fidélité, mais il existe en entier et tout à la fois : l'esprit ne va pas à pas comptés comme l'expression [...]. L'état de l'âme dans un même instant, ce que le grec et le latin rendent par un seul mot. Ce mot prononcé, tout est dit, tout est entendu.
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Denis Diderot, Lettre sur les sourd-muets
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