L’instant suprême où la communion avec le monde nous est donnée, où l’univers cesse d’être un spectacle parfaitement lisible, entièrement inane, pour devenir une immense gerbe de messages, un concert sans cesse recommencé de cris, de chants, de gestes, où tout être, toute chose est à la fois signe et porteur de signe. L’instant suprême aussi où l’homme sent crouler sa risible royauté intérieure et tremble et cède aux appels venus d’un ailleurs indubitable.
.
.*
.
Ce secret, c’est aussi le tien, bouvreuil, petite flamme rose soufflé de branche en branche par le vent de nulle part. Et je le savais, depuis cet ancien décembre jour après jour près d’une eau morte où flottaient les feuilles mortes parmi l’écume. « Ah ! cette voix perdue n’est pas d’ici ! » ai-je crié quand ton premier chant m’a traversé le cœur. Une seule note, comme venue d’une flûte un peu rauque et pourtant si douce ; une plainte, un appel, une timide prière… « Mais qui donc se plaint, qui prie, qui m’appelle au-delà de ce chant ? » demandai-je encore. Et, déjà, je le savais.
.
.
Gustave Roud, Air de la solitude
.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.