Passé l’arrachement sombre, bleu,

d’une masse de granit en suspension
dans le souffle,
franchi l’abîme d’une floraison illimitée…

l’instant mortel nouveau-né, le non-éclat
éphémère
l’irruption, l’inscription commençante
d’une parole en avant de soi, à l’écart
de nous, vertigineuse, ressassante…
.
- qu’elle se trahisse ou s’expose, qu’elle vacille
et se redresse,
qu’elle revienne à la ligne
sans être venue,
qu’elle se déchire ou s’accroisse, qu’elle se trace
ou se retranche


……………..elle vient de se détruire,
de s’écrire sur le fractionnement de l’air :

l’intensité des facettes aveuglantes de l’air,
étincellement pur, sans recul, sans visée,
sans plissements d’arrière-monde –

de s’écrire, obséquieuse, contre le vide
où ta cohérence bascule, et ton souffle
s’interrompt


donnant à voir un commencement
de configuration infinie
par son seul adossement au silence…



Parole, - comme incestueuse relevée
sur le morfil de la serpe

reprise obliquement par une chaîne
souterraine – de visions,
de coïncidences et de froissements où,
sans lumière encore, en allégement meurtrier
son émissaire, féminine – déjà - détruite déjà -
d’un nom ignoré


sa voix, l’intonation de sa voix souterraine
charge d’acide, de gravier, de brouillard
les fissures, et la raucité, de ta langue
la lumière, l’inachèvement de ta langue…


parole qui revient, sans être venue,
et s’écrit, en avant de nous et de soi, pulvérisant
la trajectoire qui l’occulte

et rassemblant –dans le bleu profond
la défiguration de notre couple inhumain,
un attelage de soleil…
.
Jacques Dupin, Bleu et sans nom
.

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