« T’es venu de loin, venu jusqu’ici… »
« Venu, oui. Suis venu, comme toi. »
« Je sais. »
« Tu sais. Tu sais et tu vois : la terre s’est plissée ici en haut, elle s’est plissée une fois, deux fois, trois fois, et s’est ouverte en son milieu, et au milieu il y a de l’eau, et l’eau est verte, et le vert est blanc, et le blanc vient d’encore plus loin là-haut, vient des glaciers, on pourrait dire cela, mais on ne doit pas, c’est la langue qui a cours ici, le vert avec le blanc dedans, une langue pas pour toi et pas pour moi – car, je le demande, pour qui donc est-elle conçue, la terre, ce n’est pas pour toi qu’elle est conçue, je dis, et pas pour moi-, une langue, eh oui, sans Je et sans Tu, rien que Il, rien que Ce, tu comprends, rien que Eux (Sie), et rien d’autre que ça. »
« Je comprends, je comprends. Suis venu de loin, tu sais, venu comme toi. »
« Je sais. »

Paul Celan, Dialogue dans la Montagne

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