Je retrouve la leçon du désert, son épure, son chant du silence, dont j'aimerais que soit empreinte la soi-disant civilisation étouffée par l'anthropomorphisme triomphaliste et orgueilleux. Ce serait une renaissance, la supervie et non la survie. La préparation d'un homme cosmique, spirituel et authentique, dépouillé de ses inutilités. Moins d'artifice, de bruit et de fureur. J'imagine ce flot de gens dans le désert, ce grand révélateur. Avec lui l'éternité, c'est-à-dire l'immensité du temps, se vit au quotidien. Sa géologie est visible même pour un amateur. Le squelette de la planète apparaît sans complexité. L'histoire de la Terre se lit à livre ouvert. La nature nous apprend la sagesse. C'est un trait marquant de la civilisation saharienne dont le rythme est lent, constant et puissant. Les Bédouins ne sont pas pressés. S'ils n'arrivent pas à destination aujourd'hui, ce sera demain. Les chercheurs, eux, doivent suivre un programme, atteindre des étapes à des dates précises, respecter une organisation même dans un milieu saharien. Le Sahara nous enseigne à ne pas gémir, à ne pas parler inutilement. Les mots inutiles nous intoxiquent. Le silence d'ailleurs fait partie de beaucoup de règles religieuses. Le désert, comme le diocèse, vous ponce l'âme, vous apprend les gestes en symbiose avec le corps, une certaine lenteur intérieur.


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Le Sahara est solennel, c'est un monde à part où la flore, la faune demeurent en vie par des grâces d'adaptation étonnantes. Le désert, a priori, c'est le globe sans terre végétal, sans humus et sans trace d'activité humaine. Il ressemble, pourrait-on dire, à la Terre avant l'homme ou à son devenir si l'homme décide son suicide universel. Il nous donne la notion de l'immensité du temps, de l'éternité. L'être humain ne ressent plus son existence comme un éclair sur la Terre.


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Soustraire, se soustraire ; prendre l'essentiel non seulement d'objets mais de pensées, cet allégement est déjà une philosophie. Le désert n'est pas complaisant. Il sculpte l'âme. Il tanne le corps. Il faut supporter le soleil intense du jour, le froid de la nuit. Trouver de l'eau, cette richesse. Supporter de perdre le sens du temps et de l'espace. Ceci n'est pas réservé qu'aux novices. Si ce vertige prend un Touareg, vous le verrez s'allonger, se recouvrir de son burnous. L'arrêt, le sommeil, l'obscurité, le silence le recentrent. Car le désert, dans le Ténéré par exemple, offre, comme la mer, un horizon perpétuellement circulaire. Nous utilisons à présent un instrument de positionnement par satellite. Il suffit de lire les chiffres sur l'appareil et de les reporter sur la carte. Pour ma part, je préfère utiliser ma vieille boussole. Les nomades, eux, se réfèrent toujours aux astres, au vent. Quelques mots d'un Bédouin m'ont toujours plus appris que ceux des professeurs. C'est pourquoi j'interroge toujours les pèlerins du désert. Leur acuité visuelle, mentale, instinctive est admirable. Le nomade s'appuie sur des repères infimes dans un paysage quasi désertique : une bande de sable de telle couleur, un ensemble de pierres de telles formes. L'homme est lié au paysage et sa vigilance lui garantit une liberté toujours fragile.
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