La mer agitée, la montagne imposante, le désert silencieux - qu'est-ce qu'ils ont en commun ? Quelles sont leurs différences essentielles ? La splendeur, la couleur, l'étendue, la puissance de ce qui est ancien et élémentaire, hors d'atteinte de la capacité humaine de complètement saisir et utiliser - tous les trois partagent ces qualités. La montagne illustre la force brute du processus naturel. La mer cache la richesse, la complexité et la fécondité de la vie sous la surface d'une immense monotonie. Le désert - que dit le désert ?

Le désert ne dit rien. Entièrement passif, agi mais n'agissant jamais, le désert est là comme le squelette de l'Être, frugal, raréfié, austère, absolument bon à rien, invitation non pas à l'amour, mais à la contemplation. Sa simplicité et son ordre évoquent le classicisme ; mais le désert est un domaine au-delà de l'humain et la vision classique considère que n'est significatif, ou même réel, que ce qui est humain.

En dépit de sa clarté et de sa simplicité, le désert est, paradoxalement, voilé de mystère. Immobile et silencieux, il évoque en nous la trace insaisissable de quelque chose d'inconnu, d'inconnaissable, sur le point d'être révélé. Comme le désert n'agit pas, il semble attendre - mais attendre quoi ? ...


Edward Abbey, Désert solitaire
traduit par Adrien Le Bihan
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