Chant

La fête de la pluie est morte
sur les visages des poètes
Nous l'avons changée
moi, le refus et la face du mot
en fête de pierres
et nous avons laissé
au glas vibrant sur nos cils
au ciel de noeuds déchirés
aux myrtes, aux bassins de larmes
oui nous avons laissé
cette élégie vaincue


1

Ravi sous le voile de la prophétie, épris du sable - homme, dis-nous un oracle à venir !

L'Histoire descend la pente en dialoguant avec les fourmis, piétinant sa poussière, ruisselante de la bave des escargots, ruisselante de coquillages.

La lune avait un oeil sur son front, le ciel une tête de vipère. Point de chemin, point de parole - rien que la lèpre en quête d'un visage, rien que les creux et les fissures.

Ouvre ton ventre, baie des algues : un crâne de colombe hésite sur le seuil, la fièvre transperce le casque du cavalier.

- Que veux-tu, Rûmî ?
- Des dattes, monseigneur, et de la soupe. La route est une longe égarée, la faim un cheval hennissant entre mes dents.
- Apportez de l'eau pour l'assoiffé, donnez au fugitif son pain.

Sous l'étendard de la poussière nous avons été vaincus. Nous avons rempli nos visages de cimetières et nous avons écrit le testament de la faim. Aucune étoile ne brillait - devant nous n'apparaissaient que les spectres du sable, les carrières du vent et des larmes.

« Nous réclamons, ô dieu, les entrailles de la terre. » Ainsi avons-nous prié.

« Prends-moi, ô fleuve, que l'ennemi ne me viole. » Ainsi nos vierges ont-elles chanté.

La mer nous a fait signe, la mer a pleuré pour nous. Qui nage au loin ? Dis-nous, ton présage. La mort éclabousse nos membres, dans nos yeux volent les cendres des derniers astres.


*


6

Une pierre s'élève sous nos pieds, un carillon vert dans les pas du jour. Au bord de la mer une étoile s'est assise. Elle nous a laissé sa peau et a disparu.

Un lézard courtise le ciel. Une montagne se répand en fumée et neige. Une heure existe qui ne vient pas.

Sors, ô poète, des cavernes de pierre. Avec la souris, la salamandre et la luciole, sors ! Et témoigne pour les poètes qui habitent une patrie sans nom, une patrie gonflée de cadavres, pour les poètes qui lisent leurs poèmes à l'herbe.

Sors et témoigne pour la poésie.

Après les candélabres vient l'abîme des ailes. Après la mer, la mort soudaine



7

Extasié sous le voile de la vision, épris du refus - homme, dis-nous un oracle à venir...



Chant

Les glas et le râle des paroles
recouvrent nos cils
Je suis entre chants et paroles
cavalier sur une monture d'argile
Mes poumons sont ma poésie
et mes yeux sont mon livre

Je suis sous l'écorce des mots
sur les rives étincelantes de l'écume
poète qui après son chant est mort
laissant sous les visages des poètes
aux oiseaux, aux extrémités du ciel
cette élégie brûlée



Adonis, Chants de Mihyar le Damascène
traduit par Anne Wade Minkowski
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1 commentaire:

  1. Comparto la alegría por lo que ha sucedido en Egipto y, como siempre, doy las gracias por el comentario enviado a MI SIGLO.
    Cordiales saludos.

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