Connais-tu cet endroit unique, désert, ravagé,
que le temps a voulu effacer pour l'éternité ?

Le siècle dur use sans fin la nouveauté du neuf ;
il abandonne, à chaque étape, un reste de foyer.

Trois pierres noires, là... c'est tout... un lieu de campement...
mais l'hippodrome d'Al-Walid a sombré tout entier,

sauf quelques piquets de tente enfoncés au ras du sol ;
tout a disparu, éparpillé, sauf un bout de corde.

Oui, tu es seul, aujourd'hui, affaibli par le désir,
tel un homme assailli par les accès brusques de fièvre.

Ô Mayya ! Tes lèvres par un orfèvre ciselées,
après le sommeil, et ton corps, tendre rameau brisé !

Je revois les deux prunelles, un cou gracile et blanc ;
je revois les flancs alanguis où affleure le sang,

uniques, affolant la poursuite au mépris des gazelles...
nous tuant sans pitié sous le blâme et la réprimande.

Elle a vu ma pâleur, elle a vu mes rides multiples,
après les injures du temps et du siècle superbe,

dépouillant tout mon corps de sa frondaison de jeunesse ;
feuilles mortes, quand on agite un rameau nu, qui tombent...

ou plutôt j'ai rompu l'étreinte, acceptant le refus,
et la soeur des Banou-Labîd en a été surprise.

Tant qu'elle m'a fui et qu'elle a fui mon frère Mas'oud.
Elle vit deux hommes prêts pour un voyage lointain,

qui prenaient pour vêtements les ténèbres de la nuit,
traînant loin sur le sable deux longues robes ouatées...


Al Farazdaq (Hammân ibn Ghâlib ibn Sa'sa'a), Adieu
traduit par René R. Khawam
.
.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.