La pierre

La pierre dans l'air, celle que je suivais

Ton œil, aussi aveugle que la pierre


Nous étions

des mains,

nous vidions les ténèbres, nous trouvions

le mot, qui remontait l'été :

Fleur


Fleur - un mot d'aveugle

Ton œil et mon œil :

ils s'inquiètent de l'eau


Veille silencieuse,

pan de cœur par pan de cœur

cela s'enfeuille


Un mot encore, comme celui-là, et les marteaux

s'élancent dans l'espace libre



Tant d'étoiles, que l'on nous tend

J'étais,

quand je te vis - quand ? -

dehors parmi

les autres mondes


Ô ces chemins, galactiques,

Ô cette heure, qui nous

compléta des nuits sur le fardeau de nos noms. Il n'est,

je le sais, pas vrai,

que nous ayons vécu, il passa aveugle un souffle entre

Là-bas et Pas-là et le Parfois,

un œil siffla comme une comète

allant vers l'éteint, dans les ravins,

là, où cela se consume sans éclat, se tenait

le temps, en majesté

et déjà vers le haut, vers le bas, poussait sur lui

ce qui fut ou ce qui sera -,


je sais,

je sais et tu sais, nous savions,

nous ne savions pas, mais

nous étions pourtant là et pas là-bas,

et de temps en temps, quand

seul le Rien se tenait entre nous,

alors nous étions totalement l'un et l'autre


En haut,

les voyageurs

demeurent

inaudibles



Paul Celan, Fleur

traduit par Martine Broda

.

.

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