L'Ouvert, où chaque chose a présence et séjour, transit d'avance le domaine de tout secteur. C'est pourquoi l'éveil règne haut de l'Éther jusqu'à l'abîme en bas. Éther est ici le nom du Père de la lumière et de l'air lumineux qui anime tout. Ce qui renferme tout, ce qui est porté par la Terre maternelle, cela s'appelle l'abîme. Éther et abîme nomment ensemble les secteurs extrêmes du réel, mais aussi les divinités suprêmes. Tous deux sont traversés par l'esprit de l'inspiration. Celle-ci ne divague pas, vertige aveugle, dans l'arbitraire. Elle est

Selon un ferme statut, comme jadis, tiré du Chaos sacré

La Nature dispose tout réel dans les traits de son être. Les traits fondamentaux du tout se déploient dans la mesure où l'Esprit apparaît dans le réel et où toutes choses se renvoient leur éclat spirituel. Pour ce, immortels et mortels doivent se rencontrer ; ils doivent chacun à chaque fois maintenir selon leur mode leur relation à ce qui est réel. Tout réel isolé dans toutes ses relations n'est possible que si avant tout la Nature accorde l'Ouvert à l'intérieur duquel immortels, mortels, ainsi que toutes choses, peuvent se rencontrer.

L'Ouvert est médiateur pour tout rapport entre ce qui est réel. Celui-ci ne consiste qu'en telle médiation, et est ainsi médiatisé. L'ainsi médiat n'est qu'en vertu de la médiateté. Celle-ci doit donc être présente en tout. L'Ouvert lui-même pourtant qui donne seulement à tout abord et à toute réciprocité l'espace où s'appartenir, ne provient lui-même d'aucune médiation. L'Ouvert lui-même est immédiat. C'est pourquoi nul médiat, qu'il soit dieu ou homme, ne peut jamais atteindre immédiatement l'immédiat. Le regard dirigé vers cette profondeur du tout dans son être, Hölderlin reconnaît par sa pensée la signification d'un fragment de Pindare :

Le Statut
De tous le Roi, mortels et
Immortels ; voilà qui conduit assurément
Selon toutes les formes du règne
Le droit le plus juste de la plus haute main.

Hölderlin intitule ce fragment Le plus Haut. Sa méditation y ajoute :

L'immédiat pris à la rigueur est pour les mortels impossible comme pour les immortels ; le dieu doit distinguer des mondes différents, conformément à sa nature, parce que la bonté céleste de par elle-même doit être sacrée, sans mélange. L'homme, en tant que ce qui connaît, doit aussi distinguer des mondes différents, parce que la connaissance n'est possible que par l'opposition. C'est pourquoi l'immédiat pris à la rigueur est pour les mortels impossible comme pour les immortels.

Mais la médiateté rigoureuse, c'est le statut.


Martin Heidegger, Approche de Hölderlin
traduit par Michel Deguy et François Fédier
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