Où finit la distance, où s'abolit la peur ?

Je convoque le vide, je vide la plénitude. Même le silex s'amollit, même le sable s'enracine dans l'eau. Pourquoi les chemins, pourquoi l'arrivée ?

Dévoyé, dévoyé, je ne reviendrai pas. La chute est mon état, ma condition, et le paradis mon contraire. Je suis festin nuptial et je proclame la séduction de la mort. Je suis le nuage et n'ai point de sécheresse. Je suis le désert et n'ai point de nuage.

Je me cache derrière l'énigme, je me cache sous la tunique des saisons et j'épie à travers ses fentes. Je donne à mes pas leur forme et je dis à la mer : Suis-moi.

Les arbres sont feuilles dans mes cahiers et comme moi les pierres sont poèmes.

Je tuerai l'arbre qui ne sait pleurer. Je décaperai l'horizon jusqu'à ce que le sang perle et s'écoule. Je volerai entre les blessures et alourdi de sable je gravirai les pentes du paradis de la pluie.

Nous partageons l'espace, la mort et moi. Nous agitons l'étendard de la famine, le pain et moi.

Demain je me suspendrai à la robe de la légende et j'escaladerai le mur de l'ombre, un cortège de flûtes de pierre m'accompagnera.

Ah, folie ! Mon maître et mon messie !

Je cherche un soleil qui se dresserait dans les yeux et des yeux qui verraient la lumière tout entière. Je cherche un tronc d'arbre qui deviendrait corps. Je cherche ce qui donnerait des organes génitaux à la parole, ce qui enseignerait à l'ombre comment être épiderme pour la terre, ce qui transpercerait le ciel.

Je cherche ce qui donnerait aux pierres des lèvres d'enfant, à l'Histoire un arc-en-ciel et aux chants les gorges des arbres.

Je cherche ce qui saurait rendre ondoyantes les frontières, les frontières invisibles entre mer et rochers, entre nuages et sable, entre jour et nuit.

Je cherche ce qui unirait nos inflexions, celle de Dieu et la mienne, celle de Satan et la mienne, celle du monde et la mienne, et ce qui sèmerait entre nous la discorde.

Ah, quête, ma demeure !


Adonis, Chants de Mihyar le Damascène
traduit par Anne Wade Minkowski
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