J'appelle Dieu l'effort, partout manifesté, pour transformer la réalité. C'est un effort intelligent, moral, douloureux, sans cesse contrecarré, mais dont les progrès s'affirment de plus en plus. (...) Si j'osais m'exprimer ainsi, je dirais que l'on se trompe en plaçant la toute-puissance de Dieu au début des choses, au lieu de la placer à la fin. Il y a un Dieu qui sera, et qui n'est pas encore manifesté ; il y a un Dieu "qui vient", selon la formule de l'Apocalypse.

(...) En effet, à moins d'admettre que Dieu est déjà "tout en tous", il faut bien l'avouer, d'après saint Paul même, que la manifestation suprême de Dieu est encore à venir. Aujourd'hui, la révélation de l'Éternel dans l'histoire n'est pas achevée ; le stade actuel de l'évolution cosmique ne nous permet pas d'élaborer un concept adéquat de la divinité. Le monde présent est un organisme embryonnaire qui aspire à l'état complet ; cet état parfait, c'est le Royaume de Dieu, la Cité de justice, ou l'Humanité. On peut, aussi, l'appeler Dieu ; car Dieu est la cause finale du monde. Dès lors, admettre que Dieu existe, ce n'est qu'un premier pas. Il faut aller plus loin, il faut vouloir que Dieu soit. (...)

Avoir foi en Dieu, c'est donc vouloir la pleine révélation de Dieu dans l'avenir. Dieu n'est pas encore totalement manifesté. Et voilà pourquoi il n'est pas étrange que l'on puisse douter de son existence, voilà pourquoi un penseur moderne a pu écrire : "Dieu est la suprême décision de l'âme." C'est-à-dire, il faut vouloir que Dieu soit, il faut l'affirmer par toutes les puissances morales de notre être, il faut que toutes nos facultés deviennent les complices de son avènement , les alliées de sa cause. Avoir foi en Dieu, ce n'est pas une simple croyance intellectuelle, c'est un acte héroïque, c'est un enrôlement personnel au service de la vérité, de la justice, de la beauté, de l'amour ; c'est une libre subordination du présent à l'avenir ; c'est une consécration de notre corps, de notre âme et de notre esprit à l'idéal que Dieu poursuit en l'humanité, par le Fils de l'homme. En définitive, la foi en Dieu engage, véritablement, notre foi, au sens mystique et sublime du terme ; elle exige tout ce qu'il y a en nous d'attention, de sérieux, de persévérance, d'aspirations à la sainteté individuelle et à la justice sociale ; elle ne s'acquiert pas en un jour, et elle va se développant, dans les coeurs aimants et sacrifiés, non seulement jusqu'à l'heure de la mort, mais à travers l'éternité.


Wilfred Monod, Aux croyants et aux athées
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