Émanation-décantation : je m'en tiens désormais à ces termes, tous deux se rejoignant pour dire cette fonction trans-individuelle du dégagement, et par suite du dépassement (donc « spirituelle »), dont la capacité est précisément ce qui s'est trouvé délaissé, et donc impensé, par la catégorie de l'« être ». Car le vide, nous avertit-on, ne se limite pas platement à là « où il n'y a rien », se cantonnant dans son vide comme le plein dans son plein ; il n'y a pas plus d'en-soi vide qu'il n'y a, grâce au vide, d'en soi du plein. Le vide n'est pas entité (même négative : le néant), mais il est facteur opérant : il est ce qui évide-évase, grâce à quoi de l'autre sort de sa clôture et se répand.

François Jullien, La grande image n'a pas de forme