Nous croissons comme les arbres, nous embrassons le ciel avec toujours plus d'amour et d'ampleur et que de toutes nos branches, de toutes nos feuilles nous absorbons sa lumière avec une plus grande soif. Nous croissons comme les arbres - voilà qui est difficile à comprendre, comme tout ce qui vit ! - Nous croissons non pas à un seul endroit, mais partout, non pas dans une direction, mais tout autant vers le haut, vers le dehors que vers le dedans et vers le bas, - notre force agit à la fois dans le tronc, les branches et les racines, il ne nous appartient plus de faire quelque chose séparément ni d'être quelque chose de séparé... C'est donc là notre lot, comme je l'ai dit ; nous croissons vers le haut ; et cela dût-il même nous être fatal - car nous habitons de plus en plus près de la foudre ! - tant mieux, nous ne la tenons pas moins en honneur pour autant, et cette chose demeure ce que nous ne voulons ni partager, ni communiquer, la fatalité de la hauteur, notre fatalité...


Friedrich Nietzsche, Le gai savoir
traduit par Alexandre Vialatte


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.