pour Abdelmajid Benjelloun


Oui, à entendre, oui, à faire mienne
Cette source, le cri de joie, qui bouillonnante
Surgit d'entre les pierres de la vie
Tôt, et si fort, puis faiblit et s'aveugle.

Mais écrire n'est pas avoir, ce n'est pas être,
Car le tressaillement de la joie n'y est
Qu'une ombre, serait-elle la plus claire,
Dans des mots qui encore se souviennent

De tant et tant de choses que le temps
A durement labourées de ses griffes,
- Et je ne puis donc faire que te dire
Ce que je ne suis pas, sauf en désir.

Une façon de prendre, qui serait
De cesser d'être soi dans l'acte de prendre,
Une façon de dire, qui ferait
Qu'on ne serait plus seul dans le langage.



Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.