À partir d'une conscience individuelle intense
l'individualité elle-même semble se dissoudre
et se fondre dans l'être illimité
ceci n'est pas un état confus
c'est d'une clarté absolue
la mort y semble une impossibilité risible
la perte de la personnalité n'est pas manque
mais la seule vraie vie...


C'est cet « état clair », cette « vraie vie » qui fascine MacDiarmid. Quand il en parle, c'est en termes de cristal et de lumière :

Une lucidité merveilleuse
comme une lumière enflammé et aérée
un flux d'eau claire
un vol d'oiseau
un paysage brûlant, ensoleillé

La « personnalité » de MacDiarmid est pleine de contradictions, et les idées et informations auxquelles il se réfère se contredisent souvent entre elles, mais quand sa personnalité se dissout au moment de la plus haute intensité du champ unitaire, il est au-delà des contradictions, ne percevant plus que :

L'harmonie de ce qui est
le pur phénomène
qui demeure dans un rayonnement éternel


Comme le dit Brice Parain :

« Le principe de contradiction est, dans le langage, le correspondant de la nécessité physique, sans en être l'expression directe. Il est l'instrument de notre nécessité. Les lois de son action sont plus impénétrables encore, sans doute, que celles de la nécessité physique. Elle n'en sont pas moins strictes. Cela nous le sentons dès notre premier mot. Mais ce que nous ne comprenons que beaucoup plus tard, souvent trop tard, hélas ! c'est qu'elles sont les lois d'une transition, parce que le langage n'est qu'un moyen pour nous attirer vers son contraire, qui est le silence. »

Ce qui nous ramène au problème du langage et de sa finalité dans l'économie psycho-intellectuelle de MacDiarmid.

Il s'agit d'abord du langage comme dialectique :

« Le Réel concret (dont nous parlons), écrit Kojève, est à la fois Réel-révélé-par-un-discours, et Discours-révélant-un-Réel. Et l'expérience hégellienne ne se rapporte ni au Réel, ni au Discours pris isolément, mais à leur unité indissoluble. Et étant elle-même un Discours révélateur, elle est elle-même un aspect du Réel concret qu'elle décrit. Elle n'y apporte donc rien du dehors, et la pensée ou le discours qui naissent d'elle ne sont pas une réflexion sur le Réel : c'est le Réel lui-même qui se réfléchit ou se reflète dans le discours ou en tant que pensée. En particulier, si la pensée et le discours du savant hégélien ou du Sage sont dialectiques, c'est uniquement parce qu'ils reflètent fidèlement le "mouvement dialectique" du Réel dont ils font partie, et dont ils font l'expérience adéquate en se donnat à lui sans méthode préconçue. »


MacDiarmid se réfère volontiers à Hegel, et dans ce contexte le langage est pour lui :

............................................. l'instrument
de l'articulation progressive du monde

- un langage dialectique et « unitaire » dans le sens qui lui donne L.L. Whyte. Mais s'il se réfère à Hegel, il se réfère encore plus volontiers, et avec plus de reconnaissance, si je puis dire, à des poètes chez qui le langage a une tout autre intensité. Valéry, par exemple :

La prise de conscience extatique
de la langue en tant que mystère central
de la vie intellectuelle...

ou Hölderlin

Hölderlin a cherché
et souvent miraculeusement trouvé
le mot dont se sert le silence
pour dire son propre silence
sans le briser


Il est souvent fait allusion chez MacDiarmid à une expérience que l'on pourrait qualifier de « métalinguistique ». C'est l' « état clair », dont nous avons parlé plus haut. Il y revient dans les passages qui suivent, qui nous donnent des précisions supplémentaires quant à ce qui arrive au langage à de tels moments :

Ainsi
au-delà de tout ce qui est hétéro-épique
holophrastique, macaronique, philomathique et psychopète
dépassant tout idioticon
surgit cette paraleipsis suprême
pleine de chant potentiel
comme est plein de mouvement le colibri
et nous filons
avec la fulgurance du martin-pêcheur
cherchant toujours ce qui une fois connu
ferait connaître tout le reste
et nous ne pouvons le connaître
qu'en le laissant se connaître en nous
puisque determinatio est negatio -
d'un coup le chaos tombe
silencieux
dans l'abîme aveugle
cio che lo mio intelleto no comprende
...
ainsi dans le langage
auquel tous nos efforts convergent
toutes les complications de la vie humaine
s'évanouissent
ne reste que la note de l'universelle joie
l'Art Complet - seul avec le Seul



Kenneth White, L'Esprit nomade


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