Metteur en scène ou director. Il ne s'agit pas de diriger quelqu'un, mais de se diriger soi-même.
Pas d'acteurs.
(Pas de direction d'acteurs.)
Pas de rôles.
(Pas d'étude de rôles.)
Pas de mise en scène.
Mais l'emploi de modèles, pris dans la vie.
ETRE (modèles) au lieu de PARAITRE (acteurs)
L'important n'est pas ce qu'ils me montrent mais ce qu'ils me cachent, et surtout ce qu'ils ne soupçonnent pas qui est en eux.
Entre eux et moi : échanges télépathiques, divination.
Du choix des modèles.
Sa voix me dessine sa bouche, ses yeux, sa figure, me fait son portrait entier, extérieur et intérieur, mieux que s'il était devant moi. Le meilleur déchiffrage obtenu par l'oreille seule.
Un acteur a besoin de sortir de lui-même pour se voir dans l'autre. Tes modèles, une fois sortis d'eux-mêmes, ne pourront plus y rentrer.
Ce qu'aucun oeil humain n'est capable d'attraper, aucun crayon, pinceau, plume de fixer, ta caméra l'attrape sans savoir ce que c'est et le fixe avec l'indifférence scrupuleuse d'une machine.
Modèle. Tu lui dictes des gestes et des paroles. Il te donne en retour (et ta caméra enregistre) une substance.
De deux morts et de trois naissances.
Mon film naît une première fois dans ma tête, meurt sur papier; est réssucité par les personnes vivantes et les objets réels que j'emploie, qui sont tués sur pellicule mais qui, placés dans un certain ordre et projetés sur un écran, se raniment comme des fleurs dans l'eau.
Tournage. Se mettre dans un état d'ignorance et de curiosité intenses, et quand même voir les choses avant.
Retouche du réel avec du réel.
De l'éclairage.
Choses rendues plus visibles non par plus de lumière, mais par l'angle neuf sous lequel je les regarde.
Démonter et remonter jusqu'à l'intensité.
Rythmes.
La toute-puissance des rythmes.
N'est durable que ce qui est pris dans des rythmes. Plier le fond à la forme et le sens aux rythmes.
Pas de musique d'accompagnement, de soutien ou de renfort. Pas de musique du tout.
Il faut que les bruits deviennent musique.
Le cinéma sonore a inventé le silence.
Tout fuit et se disperse. Continuellement ramener tout à un.
Provoquer l'inattendu. L'attendre.
Ni metteur en scène, ni cinéaste. Oublie que tu fais un film.
Aie l'oeil du peintre. Le peintre crée en regardant.
Où il n'y a pas tout, mais où chaque mot, chaque regard, chaque geste a des dessous.
Un seul mystère des personnes et des objets.
Ils pensent que cette simplicité est une marque de peu d'invention (Bérénice, Préface).
Traduire le vent invisible par l'eau qu'il sculpte en passant.
Robert Bresson, Notes sur le cinématographe (1975)
Quel beau réveil !
RépondreSupprimerMagnifique pièce de Hindemith, que je ne connaissais pas, merci. Belles photos aussi.
(Le grand petit de Bresson, en revanche, m'accompagne depuis longtemps ; mais on ne le citera jamais assez...)
Shukran ami Didier !
RépondreSupprimerTrès heureux de vous faire découvrir la pièce de Hindemith; en effet, elle est sublime, une ile de silence dans cette Kammermusik No.1 (il y a une version que j'aime plus, celle de la Berliner Philharmoniker dirigée par Claudio Abbado, 1996).
Je reviendrai sur Bresson et sur le singulier regard de l'âne Balthazar, un de ces jours...
(Sinon, faudra s'habituer à mon tempo, toujours très lent, pianisimo (au plus, un post par semaine...) Cela me permettra en tout cas de continuer à vous lire, inmenso placer !)
Bonsoir Fayçal,
RépondreSupprimerJuste un mot pour vous remercier pour votre message laissé sur "Les Idées heureuses" (message transmis hier par mon ami Didier Da Silva) et qui me donne, à mon tour, l'occasion de voir vos belles photos, de relire ces Notes de Bresson (et de tenter une compréhension intuitive de l'espagnol).
Je n'ai ni blog, ni Myspace, ni Facebook à mon actif... Mais nous nous recroiserons peut-être sur la Toile ; ici ou là.
Bonne continuation !
Irene Camargo de Staal
Merci... je suis très touché par vos mots, Irene.
RépondreSupprimerJ'aime le silence. J'aime quand une photo parvient au silence, à ce rare silence qui vous chuchote une musique, un mystère.
C'est heureusement le cas avec vos photos. Pas de sens, pas d'idée, pas de parole, seulement la trace d'un instant et son ombre (le silence).
J'y suis...