Vergers

Nul ne sait, combien ce qu'il refuse,

l'Invisible, nous domine, quand

notre vie à l'invisible ruse

cède, invisiblement.

Lentement, au gré des attirances

notre centre se déplace pour

que le coeur s'y rende à son tour :

lui, enfin Grand Maître des absences.

*

Si l'on chante un dieu,

ce dieu vous rend son silence.

Nul de nous ne s'avance

que vers un dieu silencieux.

Cet imperceptible échange

qui nous fait frémir,

devient l'héritage d'un ange

sans nous appartenir.

*

Le sublime est un départ.

Quelque chose de nous qui au lieu

de nous suivre, prend son écart

et s'habitue aux cieux.

La rencontre extrême de l'art

n'est-ce point l'adieu le plus doux ?

Et la musique : ce dernier regard

que nous jetons nous-mêmes vers nous !

.

Rainer Maria Rilke, Vergers (1926)


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