Sud


Sudique
que je crée par la pluie et les éboulis
que je transforme en lait nuptial pour des noces de torrents
abrupte et seule face à la parole bouclée nouée Sudique
m' émiettant en visages de pisé
dans tes circuits d'oiseaux parents des nostalgies

.Sudique lourde et transie sous ton fardeau de lauracée
sous mon absence que l'on me fourre dans les yeux
toujours dans les trombes
comme jamais terre ne fut plus belle
.
Sudique attelée louve enragée à tes mamelles
que je boive au goulot ta solitude
il y a
cette navette de sadiques et de sorciers
entre ma peau et ton front à saccades
.
Sudique
.
inconnue violée morose et cette chaîne
héritée des marées à crampes enfoncée
dans ton cou
et ce maudit esclave qui crache dans ton ombre
.
tant tu m'emplis la narine et la bouche
de tes effluves de planète et de serpolet
tant tu tournes sur mon échine
pour voir si j'ai peuplé
mes veines qui s'avancent dans une nuit de graminées
.
Sudique montée par un soleil à dent de requin
piaffant gémissant
coupable d'être
en plein rut d'un astre étrange
te voilà nue rousse gemme te voilà
avec ton dos de raie rouge et de gale
Sudique épelant
des noms de chemins et de fruits
quand le nopal
derrière un mur de galets
balance sa silhouette de femme et de criquet
tel un œil en fleurs tourné vers le sommet
.
Sudique
percée d'oubli et de rocs violets
assainie soudain par des troupes de poèmes ferventes
de poèmes
.
qui font éclater chaque pierre sous mes pieds
quand mon corps bée
entre des mains bleues
entre les flûtes
Sudique sur un pic miraculeux
couleuvre jeune récitant
des piétinements sans histoire
Sudique attelée, louve enragée à tes mamelles
seule et multiple
et ces tristes airs d'abandon et de haine
ces crieurs ces goumiers qui traînent
leur vie mortelle
ces phéniciens ces nus voraces
Sudique de rutilance et de scorpions
sur tes seins enroulés fermes
et ce maudit esclave qui crache dans ton ombre
.
je parle d'un meurtre d'avant les sables et les traces
et les fientes et les ruptures
d'avant ton visage de rose noire
d'avant tes cernes tes tentacules
tes négations et les échelles qui me dédoublent
tic-taquant trimbalant
un gosse sans joues sans rétines
petit alcoolique morfondu vrillé vierge
tapi sous tutelle
d'un noé qui pense au déluge
Sudique dévissant
.
un songe honteux et riche
qui troque tes versants de vents et d'ambre
lorsque chante cet idiot d'homme
depuis les peurs
d'un paradis sans autre existence que le crâne
pelé du poète
dans tes éclatements plus vraie mais plus terrible
royale et seule morte et vivante
dans tes baves blanches
dans tes déroulements informes de serpents
comme tirée à blanc par un ancêtre
Sudique dans tes sexes d'orages et de ciels
tes flancs d'arbre à gueule de chacal
dans tes menstrues d'hiver tordant les collines
parmi des terreurs de ronces et des tridactyles
dans tes colères
dans tes rires tranquillement blême et âpre
comme tes femmes
comme tes hommes
dans tes coquilles et tes silices
dans tes vins aigres
dans tes crimes à double tranchant dans tes
nageoires
dans tes lucioles
dans tes postures
dans tes nacres dans tes coliques
dans tes rougeurs
dans tes sarcoptes et tes rougeurs
dans tes varioles
dans tes mille doigts gonflés de syrphes
.
dans tes ombilics
dans tes hélianthes
dans tes épaisseurs de menaces et de boues
dans tes gaffes tes grêles tes mantes
je m'ouvre en virgule de ma trempe nègre
me fais ricaneur
poésie puisque d'autres grattent les murets
et pissent dans les trous
puisque ma raison s'imbrique dans les fèces et le porc-épie
puisque te voilà Sudique sans leur face
face à toi seule
Sudique dans mon image de ruffian
dans mon sang qui bat sans cœur
Sudique que je crée par la pluie et les éboulis
.
.
Mohammed Khaïr-Eddine, Ce Maroc !, 1975
.

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