Ton pays quand il surnage
dans des syllabes orphelines
ce pays-là est acquis à un patrimoine d’absence
tant il est insaisissable entre deux rêveries
il s’enveloppe parfois des réverbérations de la plaine
et il y a un cyprès sur la pente d’une colline
pour s’appliquer à l’équilibre de l’horizon
et pour que tout autour le temps
puisse rester à jamais immobile
Mais toi au milieu
debout dans l’affinité des tombeaux
c’est comme si tu étais encore
le même voyageur anonyme
le voyageur que tu dis longtemps préparé
à la gravité de l’observation des dunes
celui qui a une ombre comme revisitée
dans sa trame profonde
ses prolongements essentiels
et qui a vu de cette structure ambivalente
de cette perspective en fragmentation
de ce champ d’inconnaissance
s’engager la latitude vagabonde
l’instance du désertique où le corps
ne peut plus revendiquer d’appartenance
D’autres ont une ombre sur la terre
en analogie avec matière lumière et espace
sans se poursuivre jusqu’aux frontières
de toutes les dissemblances
Alors te vient le désir de circonscrire ici même
l’ultime métaphore dans des paroles qui amalgament
confusément la position des astres
avec les points d’achoppement des dénégations
qui situent approximativement l’axe
réservé à l’occultation de sa propre matière
sous un ciel demeuré relié à un désordre tellurique
où chaque lieu a conservé
une lune immuable incorporée
comme incrustation souveraine
pour une métrique ineffable du désert
métaphore à partir du conifère et du laurier rose
pour qu’ils figurent ensemble
le portique réservé à l’examen des étoiles
à partir des arbres produisant du côté des ramures
une irruption de souvenance
jusqu'à doter la mémoire à chaque étape
d’une conformité avec l’exubérance des dunes
avec les serments de jadis les aveux d’expiation
mêlés à une attente de prodige
une communion incessante entre des carnets d’errance
et incidemment une surrection de calligraphies immarcescibles
perpétuant par leur romance
comme une rhétorique du désir
dissimulée derrière des touffes de marrube
une métaphore qui équivaut à oublier
tout à la fois les palmiers
que leur majesté presque désespérée
en silhouettes inclinées sur des cartes imaginaires
ainsi que la ville au milieu qui affecte aux nuages
l’incarnation légère de ses sépultures
qui déploie au-dessus de minarets rouges et mauves
un itinéraire perpétuel de cigognes
une ville où tant de fois on aurait voulu
dormir mourir puis ressusciter avant d’en repartir
car alors qu’il ne restait plus entre les lèvres
que l’interrogation itinérante de la pierre
une femme à l’aube venait retirer le suaire
préparait avec des résidus d’encres
l’électuaire qui délivre
de l’introversion des clepsydres
et la mer entière s’égarait au-dedans au-dehors
dans l’immensité du corps et les canyons de son cri
avec ces cargaisons d’alphabet neutralisé
qui acclimatent l’enfance en l’envahissant
d’origines toutes prémédités
une mer où des navires qui profilent des coques
toutes reluisantes du sang coupé des sirènes
font le lien entre le sommeil et l’éveil
sans qu’on sache jamais s’ils se dirigent vers le rivage
ou si c’est le rivage qui cherche à les atteindre
comme une coïncidence d’écume avec un pays
qui ne cesse de se rejoindre
de se perdre se réamorcer et à nouveau se perdre
inscrit chaque fois dans une finalité décisive avant
d’être dévolu aux mots qui n’ont pas été dits
aux fragments de mots encore embués de leur silence
à la glose du sédiment même dans des livres
reliés de songes de peau et d’azur aux constellations éteintes
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Mostafa Nissabouri
Approche du désertique, I (1999)
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silence au sein du silence
RépondreSupprimerde silence en silence
ô sable fin de l'âme
du désert au nuage
transsubtantiation du silence
RépondreSupprimeren nuage, feu d'âme, la voie
l'éclair, verbe, sable, vent
d'un départ, quête, ce désert