Communio



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C’était dehors et c’était à l’intérieur.
La même brise soufflait
entre l’heure matinale et l’heure du soir.
Le dénouement des liserons au soleil et aux tiges là, dehors,
se répétait en gémissant dans les vrilles des doigts
qui cherchaient le soleil là, à l’intérieur,
tandis que les campanules blanches se renversaient
d’un bonheur trop grand de la lumière.

C’était le mois de mai et ça grondait de l’approche de la Pentecôte.
Les nuages lourds de pluie craquaient aux coutures des éclairs.
Les fôrets fumaient et les pivoines se dépêchaient
de s’embraser sur le sein de l’été,
de s’embraser sur le sein des autels et il n’y avait
qui que ce soit pour courir avec elles
avant que ne roule jusqu’ici la crainte creuse des menaces
qui grondent dans le vide entre les étoiles, entre les mots.

Mais nous étions perdus
au fond du printemps dont les émeraudes viraient
au jaune laiton des clairons
au jaune, bleu et rouge de l’été qui advenait de loin.
Nous étions comme un couvercle et un vase qui traînent depuis longtemps,
qui traînent depuis de longues années éparpillés loin l’un de l’autre
par un accès hystérique de cruauté.
Et personne n’a soulevé le couvercle ni n’a soulevé le vase
pour les poser l’un sur l’autre
pour que le couvercle de nouveau couvre
le vase qui débordait sans cesse de son feu vivant.

Personne, par le coude de pitié n’effacera les obstacles posés de nouveau
entre l’homme et la femme,
murs, escaliers, villes, rues et gares, lointains,
papier, verre et l’indifférence de la vie qui roule
sur les champs de bataille et les cimetières.

Personne, durant des années, n’a uni la main de l’homme à celle de la femme
et ne les a laissés seuls sous les étoiles avec l’herbe et les feuilles de la nuit.
C’est seulement maintenant que les pommiers ont eu pitié dans leurs voiles défleurissantes,
s’approchant d’un pas, d’un petit pas plus près de nos mains et de nos visages.
Et comme la nuit continuait dans les étoiles,
les coqs éloignèrent l’aube
sur tes épaules et sur ton front.
Et à cause de toi la fauvette ne se résolvait pas
à annoncer le matin aux marguerites embuées.

Le silence de la nuit se prolongeait.
La distance de rosée se prolongeait entre nous et le monde lointain
qui se réveillait derrière la paroi des fôrets, les murs des villages et des villes.
Les chevaux de soleil grattaient dans le sable rose la pointe de l’aube.
La pluie seule est restée avec nous, qui se répandait jusqu’en un torrent mugissant et épais
pour la plus grande satisfaction des tiges et des grenouilles.
Seulement l’été, qui commençait dans les têtes des pivoines
promettait tant de joie à tant de gens.

Et il n’y avait personne pour empêcher le feu de brûler.
Et il n’y avait personne pour empêcher l’eau des larmes de couler
emportant de nos yeux ces années laides et lourdes,
l’obscurité, la poussière, les toiles d’araignée et l’angoisse
des jours sans soirs, des soirs sans nuits et des nuits sans jours.
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Jan Zahradníček (1905-1960), Communio
[Traduit par Paul Guillon et Klára Jelínková, ici]
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