Flamme


Une seule étincelle du regard suffit à tout embraser, à tout illuminer. D’où vient ce pouvoir, cette flamme ? De quel embrasement fabuleux, de quel éclair, de quelle explosion primordiale ? Je ne peux le savoir, je n’ai même pas le temps de l’imaginer, car cette lumière est trop forte pour moi, elle anéantit en une fraction de seconde tout ce que j’ai appris et transformé en mots depuis ma naissance. La lumière qui sort des visages parfois me rompt, m’éparpille. Je ne puis être moi-même. Je ne puis plus n’être qu’un.
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Aimer, brûler. Sans limite, sans mesure, être celui qui est hors du temps, hors des lois des hommes, hors du cadastre. Brûler d’une simple flamme claire aux rayons qui vont toucher l’infini réel, brûler de sa vie. Espérer, peut-être. Mais être hors de soi-même, avoir franchi sa propre frontière, pour entrer dans l’inconnu, dans la beauté nouvelle.
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Je cherche ceux dont le regard brûle ainsi, leur lumière m’attire comme une clarté réelle. Leur regard contient la force même de la vie, à la fois spectacle et acte. Les mesures temporelles n’existent plus guère. Il n’y a plus de passé, plus d’imaginaire. C’est comme si tout était inachevé, et en même temps évident, tangible, pareil au destin écrit dans les livres. Ceux dont le regard brûle ainsi sont déjà au-delà du monde, car leur regard éclaire jusqu’à la fin de toute durée..
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J.M.G. Le Clézio, L'inconnu sur la terre (1978)
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Ami

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On a demandé au philosophe :
« Qui a fait le plus long voyage ? »
Il a répondu :
« Celui qui s’est mis en route pour trouver un ami. »
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Abu Hayyân al-Tawhîdî (932-1036), L’amitié et l’ami
[Traduit par Evelyne Larguèche et Françoise Neyrod]
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Clé

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Vincent Roy : Posons comme postulat que la poésie substitue au temps un hors-temps.
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Philippe Sollers : Je ne pense pas. Ou alors, il s’agirait de la conception idéaliste de la poésie qui serait de tous les temps en étant d’aucun. On peut imaginer un poète traversant les siècles et étant le même. Seulement, il n’apparaîtrait pas dans des circonstances comparables. Donc il a bel et bien un rapport au temps de son temps. Dante n’écrit pas au XIXe siècle contrairement à ce que semble croire Hugo. Et Shakespeare n’écrit pas à l’époque où Bonnefoy fait des conférences… Rimbaud n’écrit pas dans le même temps que Char. Car qu’est-ce qui marque le temps « où ça arrive » de telle façon que tout le reste sera sans avenir ? C’est un temps qui produit cette poésie-là, chez ce poète-là, qui a tout l’avenir pour lui. Tout le devenir pour lui. On ne va pas cesser de trouver ça extraordinairement actuel. Il s’agit d’un temps qui a tout le temps pour lui. Pas hors du temps, sinon il s’agirait d’une affaire religieuse qui aurait à voir avec l’éternité. À ce sujet, il faut se faire à l’idée que Nietzsche a écrit des choses (rires). Par exemple, dans ce passage de Zarathoustra : « Toutes ces doctrines d’un être unique et immuable et impérissable et qui ne manque de rien, je les dis mauvaises et ennemies de l’homme. L’impérissable n’est qu’une parabole et les poètes mentent trop. » Les poètes mentent trop. Leur rapport à la vérité (et vous allez voir, ça concerne le temps) est le plus souvent mensonger. Il faut comprendre la vérité du temps lui-même. Le saisonnement du temps… Comme Une saison en enfer parle d’au-dessus du temps mais vers tous les temps.
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« Arrivée de toujours qui t’en iras partout. »
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À une raison, de Rimbaud… ça arrive de toujours : le temps. Et ça s’en va partout : l’espace. Et ça n’arrête pas d’arriver de toujours. Donc le passé, le présent, l’avenir… Il suffit de supposer un quatrième temps, ce que fait Heidegger, qui englobe les trois autres. On commence par le quatrième qui englobe présent, passé et avenir. C’et de ce temps-là que les humanoïdes ne veulent pas. Et la poésie se veut dans ce temps-là de façon plus ou moins fulgurante.
Donc les poètes mentent trop, dit Nietzsche. Car les meilleures paraboles doivent parler du temps. Du temps et du devenir. Pas de l’impérissable. Le temps change sous la pression d’une révélation, on peut le dire, de l’être, et l’être est le temps lui-même. Le temps n’est pas stocké dans une idéalité et n’est pas ailleurs que là, maintenant, ici, tout de suite. Pour le devenir… .
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V.R. : Est-ce si important que cela, pour vous, la musique ?
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PH. S. : Oui… Oui… En entendant par musique quelque chose qui va dans le sens de la citation de Rimbaud, la clé de l’amour. Pas n’importe quelle musique, pas écoutée n’importe comment, pas en fond sonore, pas en techno, pas en bruits et fureur, pas comme anesthésique mais, au contraire, comme la pointe même de la révélation de la vérité. Quand Nietzsche dit : « Sans la musique, la vie serait une erreur », que veut-il dire exactement ? Que serait cette erreur ? Qu’entend-il, à ce moment-là, par musique ? Le cas Nietzsche est très significatif pour cette polémique… Puisqu’une grande partie de sa vie se passe à polémiquer avec Wagner… Adhésion dans un premier temps, puis récusation qui va jusqu'à la frénésie. Aller jusqu'à aimer Carmen par rapport à la catastrophe que représente, non pas seulement, Wagner, mais tout ce qui s’annonce à travers lui, c’est quand même extraordinairement intéressant. « L’erreur est la légende douloureuse », dit Lautréamont. L’erreur est une erreur qui n’est pas seulement une faute d’inattention… L’erreur, c’est de s’engager dans une voie de mort. Une « mortifération ». Donc, sans la musique, la vie serait la mort… pour traduire.
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V.R. : Vous dites que la musique est pour vous une préparation à la liberté absolue.
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Ph. S. : C’est ça. Je viens d’évoquer le thème de mourir et il ne faut pas oublier que cette question est au centre des préoccupations de Mozart. Il en parle. Quand vous entendez, dans La Flûte enchantée, cette formulation extraordinaire que « par la seule force de la musique, vous pourriez passer à travers la sombre nuit de la mort avec joie », c’est quand même une proposition étrange… ça va assez loin, n’est-ce pas ? (rires)
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Philippe Sollers, L’évangile de Nietzsche (2006)
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Miroir

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On dirait que leurs mains, quand arrivent les ténèbres, cherchent l’heure des hiboux
que les corbeaux du désert –ils s’en vantent- vont se précipiter sur la chair de la terre
on dirait que la pluie fait verser une larme, chaque soir, aux nuages d’un jour déserté par les plantes…
Mais toi tu vois les brises, à l’effleur de la vasque, la polir, en chasser les brins flottants
n’y plus laisser qu’une gazelle qui se penche, comme une belle se regarde à son miroir
ou ces coursiers ramant de leurs jambes qu’immobilise le trop de mouvement
on le croirait jardin sous cette vague, ou bien souffleurs de ces roseaux
Saharas où le gazouillis des martinets célébrât le chancellement de nos ivresses…

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Ibn Al Mutazz (861-908), Unziltu min laylin
[Traduit par Jacques Berque]
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Visage

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Inhumain
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trop d’enclaves, trop de jour,
et sans le jour caverneux,
ductile, - de l’interruption et du sang…
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de lèvres désunies desserrant la voix
issue reptile
niée dressée : le même étau : une
naissance
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par la seule pulsion traîtresse
du double réconcilié…
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nul ne s’épouvante, étant entravé, nul
invective, météore,
au commandement, à l’incrustation
d’un visage inversé dans la pierre
par l’obliquité des rayons…
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nous, plus calmes dans la destruction,
suivons les lignes sauvages,
itinérant la mort
à dos de femme,
les tirant dans la lumière…
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un rire grêle, atroce, sororal
déchire le mur de papier
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l’heure la plus nue nous lie
à son profil instrumental
enlevé dans le granit
par un surcroît
de lumière
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Jacques Dupin, Histoire de la lumière (1978)
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Sève

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Quand l’abîme brûlera ton visage,
là,
juste à l’extrême bord du roc,
- veuille la nuit
(qui les a pistés, longtemps traqués parmi la neige)
détourner les mots,
les écarter assez de toi
pour qu’aucun d’eux n’assèche ton sang,
n’ait le pouvoir de te détruire !
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Seule la pure fête du vide,
la pure présence de Personne
animent, consacrent, sanctifient
les îles,
- laissent (comme dans certains champs d’ombrelles
l’odeur du miel, le soir, en montagne)
y faire irruption la sève…
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L’être ne hante que le non-dire,
le non-livre,
- l’enfin de ce qui ne s’écrit pas.
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Il n’y a point plus haute joie,
plus haute vie
qu’entrer nu dans la ténèbre nue / la lumière nue
qui délivre de toute parole !
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Le silence
est le nom du dieu.
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Jean-Claude Renard
Dits d'un Livre du Silence (1980)
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Nomade

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Et de grands papillons sont tombés dans la mort
Dans les défroissements de l'origine
Ils ont des yeux pour regarder la mort
Pour regarder le feu et les sommeils
Cela qui fait de la violence de leurs ailes
Soleil et nuit dans le multiple songe
De ces jardins incendiés d'oubli
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Un homme est traversé par des couleurs
Et je le vois dormir dans sa paix retenue
Au-dessus de sa vie est le plus sobre ciel
Avec l'enfant de l'araignée pour tout recoudre
Musique et dispersion de ces pollens sonores
Qui deviendront nuage et rage de l'esprit
Contre cela qui tend sa main réelle
Comme une barque immense de l'esprit
Brûle et se tait
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Papillons de joie pure
Papillons de substance
Le grand désir de vos corolles vous dévêt
Comme seront dans le miroir les ombres filles
Dénudées par les arbres
Et remirant leur feu à des feux de prairie
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Les papillons sont les témoins de la substance
Voilée de plis et de replis ô corps d'amour
Les sources de ta vie sont dressées dans les branches
Et c'est champ d'asphodèles
Sous la lumière écartelée reprise
Dans les surgissements et les débris
Ce qui va ce qui vient
C'est toi Cœur et c'est battements de ce cœur
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Il y a dans la saison d'été d'autres prairies
Que les prairies prêtées à la lumière
L'argile en toi est la saison de mort
Sur qui s'étend, en ombre noire, un frais nuage
Aux mille éclairs de papillons, aux lampes nulles,
Et la lumière aussi est feu d'exil
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Ô papillons voici pour nous le temps et l'heure
Refermez vos amours, rouvrons notre souci
Sur ce qui est grisaille et longue cendre
Dans ce pays qui n'a de vérité qu'instable
Avec l'immensité des arbres, les rivières
Et le cou des jeunes collines, les enfants
Ayant dormi dans les rosées vieillies
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J'irai jusqu'à l'ultime porte du désir
Avec les liserons bleuis d'une pensée
Debout dans les immaculés du temps
Cet air dehors qui tremble aux interstices
Comme une perle est un soleil tranquille
Au-dessus des liquidités d'un lac
Lui-même obscur et vaporeux déjà
Sur lui est la cérémonie promise
De deux insectes
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Salah Stétié, Presque nuit (2003)
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Archaïque

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Le mythe garantit à l’homme que ce qu’il se prépare à faire a deja été fait, il l’aide à chasser les doutes qu’il pourrait concevoir quant au résultat de son entreprise. Pourquoi hésiter devant une expédition maritime, puisque le Héros mythique l’a déjà effectué dans un Temps fabuleux ? On n’a qu à suivre son exemple. De même, pourquoi avoir peur de s’installer dans un territoire inconnu et sauvage, puisqu’on sait ce qu’on doit faire ? Il suffit, tout simplement, de répéter le rituel cosmogonique, et le territoire inconnu (= le « Chaos ») se transforme en « Cosmos », devient une imago mundi, une « habitation » légitimée rituellement. L’existence d’un modèle exemplaire n’entrave point la démarche créatrice. Le modèle mythique est susceptible d’applications illimitées.
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L’homme des sociétés où le mythe est chose vivante vit dans un monde « ouvert », bien que « chiffré » et mystérieux. Le Monde « parle » à l’homme et, pour comprendre ce langage, il suffit de connaître les mythes et de déchiffrer les symboles. A travers les mythes et les symboles de la Lune, l’homme saisit la mystérieuse solidarité entre temporalité, naissance, mort et résurrection, sexualité, fertilité, pluie, végétation et ainsi de suite. Le Monde n’est plus une masse opaque d’objets arbitrairement jetés ensemble, mais un cosmos vivant, articulé et significatif. En dernière analyse, le Monde se révèle en tant que langage. Il parle à l’homme par son propre mode d’être, par ses structures et ses rythmes.
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L’existence du Monde est le résultat d’un acte divin de création, ses structures et ses rythmes sont le produit des événements qui ont eu lieu au commencement du Temps. La Lune a son histoire mythique, mais aussi le Soleil et les Eaux, les plantes et les animaux. Tout objet cosmique a une « histoire ». Cela veut dire qu’il est capable de « parler » à l’homme. Et parce qu’il « parle » de lui-même, en premier lieu de son « origine », de l’événement primordial à la suite duquel il est venu à l’être, l’objet devient réel et significatif. Il n’est plus un « inconnu », un objet opaque, insaisissable et dépourvu de signification, bref, « irréel ». Il participe au même « Monde » que celui de l’homme.
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Une telle coparticipation non seulement rend le Monde « familier » et intelligible, elle le rend transparent. A travers les objets de ce Monde-ci, on perçoit les traces des Etres et des puissances d’un autre monde. C’est pour cette raison que nous disions plus haut que pour l’homme archaïque, le Monde est à la fois « ouvert » et mystérieux. En parlant de lui-même, le Monde renvoie à ses auteurs et protecteurs, et raconte son « histoire ». L’homme ne se trouve pas dans un monde inerte et opaque et, d’autre part, en déchiffrant le langage du Monde, il est confronté au mystère. Car la « Nature » dévoile et camoufle à la fois le « surnaturel », et c’est en cela que réside pour l’homme archaïque le mystère fondamental et irréductible du Monde. Les mythes révèlent tout ce qui s’est passe, depuis la cosmogonie jusqu'à la fondation des institutions socioculturelles. Mais ces révélations ne constituent pas une « connaissance » au sens strict du terme, elles n’épuisent point le mystère des réalités cosmiques et humaines. Ce n’est pas parce qu’en apprenant le mythe d’origine on arrive à maîtriser diverses réalités cosmiques (le feu, les recoltes, les serpents, ets), quon les transforme en « objets de connaissance ». Ces réalités continuent à garder leur densité ontologique originelle.
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Dans un Monde pareil, l’homme ne se sent pas emmuré dans son propre mode d’exister. Lui aussi est « ouvert ». Il communique avec le Monde parce qu’il utilise le même langage : le symbole. Si le Monde lui parle à travers ses astres, ses plantes et ses animaux, ses rivières et ses rocs, ses saisons et ses nuits, l’homme lui répond par ses rêves et sa vie imaginaire, par ses Ancêtres ou ses totems – à la fois « Nature », surnature et êtres humains, – par sa capacité de mourir et de ressusciter rituellement dans les cérémonies d’initiation (ni plus ni moins que la Lune et la végétation), par son pouvoir d’incarner un esprit en revêtant un masque, etc. Si le Monde est transparent pour l’homme archaïque, celui-ci sent que lui aussi est « regardé » et compris par le Monde. Le gibier le regarde et le comprend, mais aussi le rocher, ou l’arbre, ou la rivière.
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Mircea Eliade, Aspects du Mythe (1963)
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Reflets


Y a-t-il vraiment, ô Seigneur, quelque chose en moi qui puisse te contenir ? Le ciel et la terre, que tu as faits, et au sein desquels tu m’as fait, te contiennent-ils ? Ou parce que rien de ce qui existe ne pourrait exister sans toi, alors tout ce qui existe te contient-il ? Donc, puisque moi aussi j’existe pourquoi est-ce que je cherche à te faire entrer en moi, qui ne serais pas si tu n’étais déjà en moi ? Pourquoi ?
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Saint-Augustin, Les Confessions
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La première transcendance est celle du ruisseau qui abandonne un peu de lui-même pour devenir ciel. Le ciel qui s’introduit dans le ruisseau, fait un léger bruit dont jusqu'à présent aucun savant ne s’est préoccupé. Parfois, le ruisseau s’arrête pour laisser le mouvement à ses galets et surtout pour planer sur sa transparence. La transparence du ruisseau est une représentation supérieure, une spiritualité, car elle s’approprie le ciel. Par la transparence, le ciel ne supprime-t-il pas le ruisseau, et vice-versa ? Et comment le grand du ciel peut-il entrer dans le petit du ruisseau, sans le moyen de l’image mentale et de la représentation ? Décidément, la transparence est aussi miraculeuse que l’esprit humain. Mais qui nous dit que cette transparence n’est pas une forme d’esprit ?
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Abdelmajid Benjelloun, L’Eternité,
belle comme le visage des enfants
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Abîmes

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Des abîmes nous sommes
issus et allés comme le lion
dans la dissension et le scandale –
car plus sensuels sont les hommes
dans l’incendie du désert – chancelant
de lumière, et le génie animal
est en eux. Mais bientôt ma voix
va tourner en rond
comme un chien dans la canicule
par les ruelles des jardins
où des hommes vivent…
en France.
Le Créateur, Francfort, elle,
dans sa forme, qui est reflet de la nature,
– ceux qui y vivent je veux dire –
est le nombril
de cette terre – et notre temps
est un temps aussi – et frappé au sceau de l’Allemagne.
Mais une éminence sauvage domine
mes jardins en pente. Cerisiers. Et un vent âpre
joue dans les failles des pierres. Soudain je suis
tout à la fois. Merveilleusement
au-dessus de la source flexible
un noyer penche et se….....des baies comme des coraux
sur les haies pendus par des tiges de bois creuses,
desquelles – originellement
c’étaient des moissons – maintenant,
il faut bien le dire, le chant
fixé de fleurs comme
une innovation de la ville, où
jusqu'à la souffrance on respire
l’arome de citron et d’huile de Provence – et les pays
de Gascogne m’ont donné la reconnaissance…
mais apprivoisé, nourri, jusqu'à ce jour encore,
je l’ai été par la joie des armes, des viandes rôties,
la table des jours en fête, et les grappes brunes, ô brunes
………..et ne recueillez, ô fleurs
d’Allemagne – mon âme est comme
un cristal sans feinte, où la lumière
fait l’épreuve
d’elle-même, quand…
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Hölderlin, De l’abîme en effet…
[Traduit par Jean Baudrillard]

Soi


Au nord circule la démesure
.
au nord
dansent
les auras de la terre
.
dans la monotonie
se révèle
l’indicible
.
le corps s’y installe
comme
dans une coquille
.
l’esprit s’en va
.
ailleurs
.
plus loin
que la ligne
.
plus loin
que la limite
.
vers le hors limite
.
hors
de toute durée
.
rien n’obscurcit
.
proche et lointain
sont sur la même
ligne
.
des lieux de silence
face contre
soi
.
l’horizon
comme seule limite
au vertige
.
du sans limite
à perte de vue
.
.
.
intérieur et extérieur
ont fait la paix
.
va et vient
paisible
sans frontière
.
seul
le souffle
compte

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Lionel André, Inarijärvi
[Traversée du Lac Inari, Finlande, mars 2000]
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Le blog (infini) de Lionel André :
Fleuves & Montagnes Sans Fin
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Moi

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L'AUTRE
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Tu es celui
Et tu es moi
Qui s'est guéri
Par la lumière
Tu es cela
D'or et de fée
Vivant réel
Sous le soleil
Tu es ici
Autre départ
Le jeu cruel
Absent dès l'aube
Tu es sans toi
- Mais le soleil
.
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André Velter
Du Gange à Zanzibar (1993)
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Personne

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Ce qui a résisté — inalliable, inoxydable,
Brûle comme argent féminin.
Et le sobre travail argente
Le fer de la charrue, la voix du poète
.
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Voronej, janvier 1937
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Ossip Mandelstam, La planche de vivre
. [Traduction de René Char et Tina Jolas]
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